Les universités au japon ferment leurs filières en sciences sociales

Le ministère de l'éducation japonais demande la fermeture des départements de Sciences Sociales et Humanités.

Tokyo (Japon) quartier de Shibuya.
Tokyo (Japon) quartier de Shibuya.

    Le point de départ, une directive de la part du Ministère de l’Éducation. Selon le site du Times Higher Education, tout a commencé avec une lettre, envoyée en Juin aux présidents des 86 universités publiques par le ministre de l’Éducation, Hakubun Shimomura. Il y demande la fermeture des départements de Sciences Sociales et Humanités (SSH) ou, a minima, leur reconversion en un enseignement qui « réponde mieux aux besoins économiques de la société ».

    Cette mesure s'inscrit dans le programme du Premier Ministre Shinzo Abé, surnommé les « Abenomics », dont les objectifs phares sont de stopper la déflation et de parvenir à un taux de croissance de 3%. «Plutôt que d'approfondir les recherches universitaires hautement théoriques, nous encouragerons une éducation plus technique et professionnelle qui anticipe mieux les besoins de la société.» a-t-il déclaré dans un discours fait à l'OCDE en 2014, affirmation reprise par le Japan Times .

    Le Japan Times rapporte également qu'au sein du ministère de l'Éducation, il a été dit que les étudiants en SSH devraient « apprendre la loi de la construction de parcelles et de leur commercialisation plutôt que la Constitution, la programmation informatique pour la numérisation des livres et la comptabilité à la place des théories économiques de Paul Samuelson et la traduction orale japonais-anglais en remplacement de l'étude de l'œuvre de Shakespeare. »

    En bons élèves obéissants, 26 établissements universitaires sur les 60 qui proposent des cours dans ces disciplines ont pris la décision de fermer leur département SSH.

    Une mesure critiquée qui va à l’encontre du progrès sociétal

    Décriée, comparée à une politique soviétique, dénoncée coupable de remettre en cause les fondations de la démocratie et des libertés, cette politique n’est pas bien accueillie par les intellectuels japonais.

    Le Conseil Scientifique du Japon s'est inquiété de cette restructuration et a publié fin Juillet une note où il est rappelé que « Les SSH jouent un rôle vital et unique dans la comparaison, l'analyse, la réflexion et la critique des actions humaines et du fonctionnement de la société. Les sciences humaines contribuent à la création d'une société intellectuellement et culturellement riche dotée d'une transmission aux générations futures. »

    Les universités de Tokyo et de Kyoto, les plus prestigieuses, s’y sont opposées.

    Elles refusent de l’appliquer et tiennent bon malgré les menaces de pressions financières émises par le ministère de l’Éducation.

    Le président de l'Université de Shiga a, lui aussi, publié un article dans le Japan Times où il juge cette politique « anti-intellectuelle ». « L'esprit critique et les Sciences Humaines sont les fondements de la liberté. Tout État qui rejette ce savoir devient toujours totalitaire. »

    L’idée que les Sciences Humaines sont inutiles n’est, selon lui, pas nouvelle au Japon. En 1960, le ministère de l’Éducation a doublé les budgets alloués aux Sciences Naturelles et à l’Ingénierie considérant que les SSH devraient être abolies.

    Il en résulte aujourd’hui que la plupart des Japonais ayant réussi à accéder à des postes haut-placés sont ceux ayant aussi étudié les SSH. Ils ont fait preuve de facultés de réflexion, de jugement et d’expression supérieures aux autres. C’est ainsi qu’il démontre le caractère indispensable de ces disciplines.

    Et les étudiants, que vont-ils en penser?

    En conclusion, la suppression des SSH est vue comme un moyen de rendre tous les étudiants opérationnels pour entrer dans la vie active et contribuer à l’activité économique de leur pays.

    Seules deux universités continueront de les enseigner, d’où nous verrons probablement éclore de grands penseurs, hommes politiques ou entrepreneurs. L’élite du pays en somme. Le risque est de se diriger à long terme vers une société totalitaire et inégalitaire. Ce risque, les intellectuels le dénoncent déjà. Mais comment réagiront les étudiants et les citoyens Japonais ? Lutteront-ils pour préserver ces acquis ?

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