Médecine, Sciences-Po... certains lycéens préparent dès maintenant le concours

De plus en plus d’élèves de terminale profitent des vacances (dès la Toussaint) pour suivre des stages intensifs. L’objectif n’est pas de préparer le bac mais l’étape d’après.

Paris. Peu de temps pour buller : ces élèves de terminale s’entraînent déjà pour leur entrée en médecine en suivant des cours privés. LP / Olivier Corsan
Paris. Peu de temps pour buller : ces élèves de terminale s’entraînent déjà pour leur entrée en médecine en suivant des cours privés. LP / Olivier Corsan

    Pour peu que l’on se sente un peu cancre, cette scène, observée hier dans les locaux d’un établissement privé parisien, ferait un bon début de cauchemar.

    Voyez plutôt : 20 élèves de terminale S, enfermés six heures durant avec des formules de physique en pleines vacances de la Toussaint, les premières de l'année scolaire. Préparent-ils leur bac bien en amont ? Même pas. Ce que visent ces forts en thème, c'est leur réussite, dans un an et demi, au très sélectif concours de la Paces, la première année des études de médecine.

    Des cours privés plutôt mal vus

    Comme eux, de plus en plus de lycéens prennent de l’avance sur leur futur, préparant dès maintenant leurs études supérieures ou les concours de grandes écoles de commerce ou d’ingénieur sans même se soucier de passer leur bac d’abord.

    « 80 % des lycéens l’ont… c’est devenu une formalité », balaie Edouard Morice, le directeur des Cours Thalès, qui abritent cette semaine une vingtaine de classes, dont six exclusivement composées de jeunes se destinant à porter la blouse blanche.

    Les effectifs, dit-il, doublent chaque année depuis trois ans.

    « Pour réussir des études sélectives, il faut mettre la barre bien plus haut que ce qui est demandé au lycée : c’est pour cela qu’on existe »

    , assure cet ex-professeur de physique, qui a plaqué l’Education nationale il y a sept ans pour monter son entreprise. Il embauche des étudiants en médecine reçus brillamment au concours il y a deux ans, qui aident les lycéens à potasser efficacement à partir d’un cours préparé par des professeurs aguerris. « Soyez stratégiques », répète aux élèves Zlata, devant le tableau blanc encombré d’équations.

    Les cours privés comme celui-ci sont plutôt mal vus des grandes écoles ou des facultés de médecine, qui font mine d'ignorer leur existence, ou qui exhortent les jeunes à ne pas y aller. « C'est une sélection de plus par l'argent, déplore Sophie Fernandez, responsable de la scolarité de la Paces de l'université Paris-Descartes. Elle est ulcérée que des élèves moyens tombent dans « ce leurre de penser qu'ils ont des chances de réussir en payant, alors qu'ils n'ont pas le bagage nécessaire ». Mais elle admet aussi que la prépa « peut aider ceux qui sont tangents à basculer du bon côté de la sélection ».

    Le cours Thalès, dans le 17e arrondissement à Paris, propose ce genre de préparation pour 2390 euros. Ce cours revendique entre 50 et 60% de réussite au concours de première année de médecine.

    2 400 € les quatre semaines de stage

    Avec un taux de réussite affiché de 56 % au concours, contre 18 % en moyenne, le tract publicitaire des Cours Thalès distribué l’an dernier devant le lycée de Maëlys l’a convaincue de s’inscrire.

    Ses parents ont déboursé 2 390 € pour quatre stages d’une semaine, organisés lors de toutes les vacances de son année de terminale. La jeune fille, qui cultive le goût du travail approfondi, potasse aussi beaucoup à la maison. En ce moment : deux heures chaque soir après sa journée à la prépa. Ses week-ends sont aussi studieux que ses vacances.

    Sur les dix filles et garçons de son groupe d’amis, quatre travaillent comme elle pendant ces vacances en vue de leurs études post-bac.

    Et dans son groupe de stagiaires, personne ne semble souffrir de cravacher à l’heure où beaucoup d’autres jeunes sont encore sous la couette, à l’abri du brouillard matinal. « Je vise médecine, sept ans d’études après le bac… Ce serait quand même grave de ne pas tenir dès la terminale », s’exclame Juliette.

    Maëlys avoue bien un petit « coup de pression » en constatant qu’elle n’a réussi, ce matin, « que » trois exercices de physique sur six. Les plus forts en ont bouclé cinq. « Cela veut simplement dire qu’ils sont meilleurs que moi, là maintenant… relativise-t-elle. Mais, j’ai encore le temps de les rattraper. »

    Seuls 10% des élèves passeront avec succès le concours donnant accès à la 2e année de médecine.

    Stages intensifs de révisions : comment réussir sans se ruiner  ?

    Si les stages de préparation aux concours sont un marché florissant, des élèves se préparent (et réussissent) aussi sans casser leur tirelire.

    Certains révisent en bibliothèque à plusieurs, s’aident sur Internet de nombreuses annales en accès libre ou s’informent sur les forums auprès d’élèves reçus les années précédentes dans de grandes écoles. Les concours Sésame et Accès par exemple, par lesquels des bacheliers peuvent intégrer des écoles de commerce comme l’Essec ou Kedge, après le bac, ne nécessitent officiellement aucune connaissance supplémentaire aux programmes du lycée. La banque d’épreuves Sésame, pour décourager le recours aux stages onéreux, met aussi à disposition gratuitement des candidats

    des entraînements en ligne et des cahiers d’exercices.

    Témoignage : il prépare Sciences-po depuis ses 16 ans !

    Les élèves de terminale qui rêvent d’intégrer Sciences-po Paris sont sans doute les plus nombreux à potasser pendant ces vacances. Et pour cause : les épreuves pour intégrer la prestigieuse école se tiendront dans trois mois en février.

    À peine plus d’un candidat sur dix, en moyenne, sera admis. Pour être sûr de ne pas rater sa chance, Richard*, élève de terminale ES dans les Yvelines, se prépare au concours depuis qu’il a 16 ans.

    Le jeune homme, qui rêve depuis la classe de 4e de sortir « dans la botte ( NDLR : les premiers) de l'ENA », a déjà accumulé six mois de stages les samedis après-midi, s'est enfermé tout le mois de juillet chez lui, tout seul, pour apprendre par cœur tout le programme du concours et toute l'histoire de l'école, jusqu'aux dates d'entrée en fonction des directeurs successifs de l'établissement !

    Richard suit encore cette semaine un stage intensif de préparation et en a prévu un autre à Noël, avec le cours Climax, l'un des nombreux organismes proposant des préparations à Sciences-po, parfois dès la seconde. Mais s'il est reçu aux écrits, il se gardera bien de confier au jury tous ses efforts. Il taira aussi les quelque 4 500 € déboursés pour son coaching très poussé. « C'est très mal vu là-bas, confesse-t-il. Le but est de laisser croire qu'on est tellement brillant qu'on s'est préparé tout seul… » Et d'ajouter : « C'est peut-être faisable de se préparer seul, mais c'est très risqué ! »

    *Le prénom a été changé.

    Christel Brigaudeau

    Écoles à la une

    Proposées par les écoles partenaires

    EM Normandie
    Marketing / Communication
    Clichy
    L'École Sécurité C-SRD
    Défense / Fonction Publique
    Paris
    IÉSEG School of Management
    Commerce / Gestion / Management
    Lille