EXPO Sébastien Le Guen
Mercredi 2 Février 2022 / 19H
15 rue Guénégaud 75006 Paris
SLG
À PROPOS DE SEBASTIEN LE GUEN
par Anaïd Demir, critique et écrivaine
(texte paru dans Technikart magazine, 2001)
Parler du travail de Sébastien Le Guen n'est pas une mince affaire. C'est une oeuvre protéiforme qui associe peinture mais qui puise autant dans le collage que dans l'illustration,un mélange improbable entre dripping et bad painting.
La peinture de Sébastien Le Guen semble chaotique au premier abord.
Sa peinture nécessite un effort de la part du regardeur. Sans seconde lecture, l'oeuvre reste hermétique, c'est sur le principe de la photo que son travail apparait: dans toutes les oeuvres de Sébastien Le Guen, le focus est obligatoire. C'est dans le détail que la puissance de son travail envahit le spectateur: collage, accumulation, peinture, dessin, texte, typo, photo,médicaments, pansement...C'est l'ensemble de ces infimes détails, qui réunis, donne à son oeuvre, sa force: c'est un processus de stratification qui ordonne la réalisation de ces toiles. Sur la première couche se trouve ce qui constitue a la fois la charpente et la colonne vertébrale du travail à venir. C'est alors que les images apparaissent progressivement,les fragments de texte,les logotypes, et ce, jusqu'à saturation. On comprend enfin à ce stade que si la peinture de Sébastien Le Guen est "bordélique", ce n'est pas le fruit du hasard, ni d'un accident mais la volonté même de l'artiste.
Pansée, gazée, médicamentée, sa peinture enfin se découvre.Douleur mais aussi guérison, l'oeuvre de Sébastien Le Guen ne rassure pas mais en tout cas, elle fascine.
PARCOURS / texte : Anne Berthod
Sébastien Le Guen a longtemps cherché un cursus adapté. Du Lycée expérimental de Sèvres à l’Ecole nationale supérieure d’architecture, intégrée pour faire comme son père et aussitôt quittée _ il peignait dans les ateliers d’archi. Son passage à l’Ecole des Beaux-Arts, à Cergy-Pontoise, n’a guère été plus long. Il s’est enfin trouvé à la Villa Arçon (Nice), où il s’est frotté, en cinq années de formation, à de nombreux artistes (Paul McCarthy, Felice Varini…). Diplômé en 1996, il a depuis approfondi sa quête entre Paris et New York, s’ abreuvant à leurs cultures urbaines.
Lettrisme et collage… Ses premiers travaux exposés, en 1991, l’inscrivent dans la lignée du mouvement lettriste d’Isidore Isou. Il reproduit alors des carnets de bar, avec feuille jaunie, collages de publicités de marque (Picon…) et, en guise de commande, quelques mots tracés d’une écriture pressée : souvent un poème en forme de cadavre exquis, dans l’esprit Dada, improvisé sur le coin d’une table avec son complice Matthieu Mahé. Le père de celui-ci, Gilles Mahé, fait partie des influences majeures de Sébastien Le Guen.
Bad Painting… C’est à New York, dans l‘atelier de Douglas Kolk, en 1992, que commence sa longue histoire d’amour avec les Etats-Unis. Les artistes américains, dont l’approche est plus visuelle que conceptuelle, l’inspirent. La culture de la rue, aussi. Dans ses lettrismes et ses collages, s’invitent la bombe aérosole, le pochoir, la peinture fluorescente, l’encre et les affiches publicitaires grand format du métro : autant d’emprunts au Bad painting qu’incarna notamment Jean-Michel Basquiat. Habitées par un esprit punk, ses toiles sont peuplées de personnages aux yeux en étoile qui se mettent littéralement la tête à l’envers.
Les maux du monde… Un autoportrait vidéo le travestissant en dadaïste barbu, la peinture d’un homme qui creuse sa tombe, avec en toile de fonds des posologies médicamenteuses lourdes… réalisée sur le thème de la dépression, l’exposition “Le monde pansé” s’inspire de l’invasion irakienne. Elle lui vaut, en 2004, le Prix de la Villa Médicis hors les murs. Le monde médical et hospitalier, la mort et l’addiction sont des thématiques récurrentes chez Sébastien Le Guen. Une façon de rendre hommage à son grand-père croquemort, à son père architecte, qui finit ses jours à Sainte-Anne, mais aussi d’exorciser ses propres excès.
Pop Culture… Poursuivant à Paris son travail sur les affiches du métro, découpant les journaux, Sébastien Le Guen traque, à travers la publicité et l’univers de la mode, l’iconographie de la culture de masse. Il s’inspire même un temps des comics américains. Spiderman, Bob l’éponge, Donald Duck, drapeau américain, mais aussi billets de banques, Ray Ban et codes barres, sont autant de symboles de la culture populaire qu’il détourne, entre trash culture et surréalisme. En cela, il se rapproche de feu Martin Kippenberger, “le dernier punk de l’art contemporain”.
Paysages humains ou érotisme… En filigrane de ces accumulations colorées de motifs, de techniques et de matières (photos, pansements, paquets de cigarettes…), se dessine souvent un portrait. A ces fragments de visages recomposés, ces silhouettes féminines déclinées dans toutes les positions, il offre une seconde vie. Entre figuration et abstraction, Sébastien Le Guen travaille sur le corps et interroge le désir. Des combinaisons en latex des superhéros aux posters de filles dénudées dans les cabines des camionneurs, il appréhende l’érotisme, au coeur de son oeuvre, dans un contexte social.
A ces toiles denses et ces paysages multi-texturés, il oppose, depuis peu, une série de toiles sur fonds noir, qui lui permettent de tendre vers l’épure.
POINTS DE VUE
SEBASTIEN LE GUEN OU L'INTUITION CREATRICE
par Déborah Boltz
S. Le Guen, peintre en technique mixte, travaille la toile et le papier en croisant lettrisme, dessin, peinture, bombe, pochoir et collage. Il stigmatise ces supports aux moyens de fragments d’affiches, d’objets, d’illustrations et d’éléments hétéroclites, symboles de la culture populaire mondiale. Proche du Bad Painting, sa peinture emprunte aussi bien à la culture trash qu’au surréalisme, et à l’esprit Dada. On peut lire dans son travail, une préférence marquée pour l’œuvre de G. Mahé, de D. Kolk, et M. Kippenberger. Que voit-on dans son œuvre ? Un labyrinthe de surfaces archi-saturées dans lesquelles se noient un luxe de détails apparemment disparates : pansements, plans d’hôpitaux, planches d’anatomies, lettres et codes barres, lunettes et billets de banques, une infinité de symboles, des extraits de journaux…; il y a Donald Duck en colère poings serrés sur une grosse toile ; tout proche, Spiderman tisse sa toile un peu partout comme une signature; des drapeaux américains dégoulinent sur des paquets de cigarettes ; des posologies des médicaments les plus sévères servent de stèle funéraire à un homme qui creuse sa tombe. Ça et là dansent des silhouettes féminines difformes ; des visages sublimes, déconstruits, inquiétants s’exposent face à un clown en camisole qui tente vainement de sortir de la toile. Chez Le Guen, la convocation au hasard n’est pas moindre, de même l’idée de « ratage » et « d’accident » fait partie inhérente de son œuvre. Une œuvre multiple donc, traversée par des thématiques récurrentes sans cesse revisitées : l’enfance, le corps, l’androgynie et le féminin, l’hôpital et la marginalité, le paradoxe et l’idée reçue, les masses médias et la pop culture.
Une peinture intuitive, sensible qui, par son apparente dissemblance, stimule à l’extrême la vision de celui qui sait regarder. Il y a d’un ensemble à l’autre, d’une œuvre à une autre, des toiles pleines de superpositions d’éléments aux affiches arrachées bombées et marouflées de très grands formats, le même écart que chacun d’entre nous peut éprouver, entre un état de l’être et un autre : chacune de ces oeuvres sont autant de moments de vie, de souvenirs, de « choses vues » lues, écrites, entendues.
Infos pratiques
10:00 / 19:00
0674589091